Annonce de la séance du 13 novembre : Mylène Gaulard sur le rôle de la rente au Brésil et en Russie

La prochaine séance du séminaire BRICS aura lieu à la Maison de la Recherche de l’Inalco, 2 rue de Lille (75007), de 18h à 19h45. Elle recevra :

Mylène Gaulard (Université de Grenoble, CREG)

Sur le thème :

Brésil et Russie : deux situations distinctes face aux dangers de la désindustrialisation précoce ?

Résumé :

Alors que le groupe des BRICS s’est ouvert en 2024 à cinq nouveaux membres, il est parfois oublié que les performances économiques au sein du groupe originel des BRIC de 2009, avant l’intégration de l’Afrique du Sud en 2011, sont loin d’être homogènes et surtout bien éloignées des succès de la décennie 2000. Si la Chine et l’Inde maintiennent encore des taux de croissance de leur PIB plus que respectables, de respectivement 5,2% et 7,2 % en 2023, et continuent de renforcer leur poids dans l’économie mondiale grâce à leur industrie manufacturière notamment, le Brésil et la Russie se voient reprocher leur processus de désindustrialisation entamé dans la décennie 1980 pour le premier, dans les années 1990 pour le second, et surtout la place prépondérante des matières premières dans leur économie.

Afin de mieux appréhender la dépendance aux matières premières de ces « émergents », dont l’un fut malgré tout la deuxième puissance mondiale lors de la guerre froide, nous aborderons lors de cette présentation la question de la désindustrialisation précoce (Dasgupta et Singh, 2006). Expliquée en partie par le processus de libéralisation des années 1980/90, cette désindustrialisation aurait dû s’accentuer à partir de la décennie 2000 sous l’impact de la hausse des prix des matières premières. C’est la raison pour laquelle les travaux sur la maladie hollandaise se sont multipliés depuis, aussi bien pour le Brésil (Salama, 2022 ; Bresser Pereira, 2018 ; Botta, 2017 ; Gaulard, 2016 ; Palma, 2014) que pour la Russie (Yurchenko et Kovalev, 2019 ; Mironov et Petronevich, 2015 ; Algieri, 2011 ; Fetisov, 2007 ; Oomes et Kalcheva, 2007), mais très peu d’analyses comparatives ont été menées afin d’examiner la façon dont ces deux géants économiques affrontaient cette situation.

Il s’agira pour cette raison d’analyser ici les signes de la désindustrialisation précoce révélés depuis trente ans pas ces deux pays afin de mieux comprendre les risques que pourrait leur faire courir un maintien dans une économie « rentière » dépendante du cours des matières premières. Bien que la stratégie d’industrialisation par substitution des importations (ISI), adoptée au Brésil comme dans le reste de l’Amérique latine dans la décennie 1930, puis abandonnée progressivement dès la années 1970, ait présenté des résultats mitigés dans cette région, nous verrons, en reprenant une logique déjà énoncée par Friedrich List en 1841, que l’économie de guerre instaurée par la Russie depuis 2014, semble pourtant bénéficier à une stratégie particulière d’ISI débutée au début des années 2000, apparaissant plutôt efficace face aux problèmes précédemment évoqués et surtout face aux sanctions internationales faisant actuellement de la Russie le pays le plus sanctionné au monde, bien devant la Corée du Nord ou l’Iran.

Mylène Gaulard

Maître de conférences en économie à l’Université Grenoble Alpes, chercheur au CREG (Centre de recherches en économie de Grenoble), Mylène Gaulard est l’auteur de nombreux articles portant sur les difficultés du processus d’accumulation en Chine et au Brésil. Au travers d’une approche marxiste, présentée dans l’ouvrage Karl Marx à Pékin : les racines de la crise en Chine capitaliste (éditions Demopolis, 2014), elle a notamment analysé l’évolution du taux de profit dans l’appareil productif de ces deux pays, les conséquences de celle-ci aussi bien sur les inégalités que sur le développement de secteurs spéculatifs, essentiellement dans l’immobilier et la finance. Parmi ses ouvrages les plus récents, outre son Economie du Brésil (Bréal, 3ème édition en 2023), elle est aussi coauteur, avec Pierre Salama, de Economie de l’Amérique latine (éditions Bréal, 2020).